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Pierre Ferracci s'est entretenu avec News Tank Football

Ce mercredi 29 mai, le Président Pierre Ferracci s’est entretenu avec Florian Brejon, Directeur Général Associé en charge de l’information chez News Tank Football.

Quel bilan peut-on faire au terme de cette saison 2023-2024 pour le Paris FC ?

Si on commence par l’équipe féminine, une troisième place, derrière l’Olympique Lyonnais et le PSG, pour la troisième année consécutive et une nouvelle qualification pour la Women’s Champions League. Le parcours européen a été exemplaire ; en Coupe de France comme dans les play-offs du Championnat, notre équipe de D1 ne s’est inclinée qu’aux tirs au but contre le PSG, pour l’accession aux deux finales. En clair, un très bon bilan, avec une progression constante depuis quelques années.

En L2, on retiendra peut-être que nous avons encore une fois manqué le coche, pour notre quatrième participation aux play-offs en six saisons. Mais il faut voir le côté positif. A l’intersaison, nous avons considérablement transformé un effectif en fin de cycle, avec un changement d’entraîneur et de directeur sportif. Nous avons connu un début de championnat très difficile, avec un nombre invraisemblable de blessures, lié à une préparation foncière inadéquate, qui nous a également conduits à nous séparer du responsable de la performance. Et nous n’avons retrouvé Charléty qu’en octobre, après la délocalisation de nos matchs à Troyes. Avec quelques péripéties sur l’état de la pelouse sur lesquelles je ne reviens pas.

Au soir de la dixième journée, nous étions 17e et premier relégables. La suite, on la connaît, avec une remontée régulière et remarquable, un jeu attrayant nous permettant d’accéder au Top 5 et de jouer les play-offs. Mais les blessures ne nous ont pas quittés et il y avait encore trois ou quatre joueurs majeurs absents à Rodez la semaine dernière, dans une partie au scénario épique. Cela étant, la meilleure façon d’aller plus haut, c’est d’être lucide et de se focaliser sur ce qui relève de nous : il nous manque encore quelque chose.

Quels sont les objectifs pour les prochaines saisons ?

Pour l’équipe féminine, consolider sa place dans le trio de tête du championnat national en continuant à se rapprocher de la tête et s’exprimer à nouveau au niveau européen. Sandrine Soubeyrand réalise un travail admirable depuis son arrivée au club.

Quant à l’équipe masculine, il s’agit, pour sortir du piège des play-offs qui réussit rarement à la L2, de se donner les moyens de jouer les deux premières places dans les deux prochaines années. J’avais dit, à l’orée de cette saison, que nous avions bâti, avec Stéphane Gilli et François Ferracci, un effectif capable de jouer le top 5 du championnat. J’ai confirmé cet objectif au pire des moments de la saison, malgré le pessimisme ambiant. Nous savons, avec le coach et le directeur sportif, comment renforcer cette équipe, en conservant, d’abord, son ossature principale avant de la compléter par de nouveaux talents. Un entraîneur expérimenté disait qu’il fallait trois mercatos pour construire une équipe ambitieuse. Après les deux précédents, on sait ce qu’il nous reste à faire. Angers et Auxerre, arrivant de L1, ont réussi à conserver un effectif stable pour assurer leur remontée.

Pour cela, il faut les ressources qui vont avec l’ambition de montée en L1, et surtout, de s’y maintenir. Et le moins que l’on puisse dire c’est que ce n’est pas chose facile.

Quand vous observez la Ligue 1 aujourd’hui, vous voyez qu’une moitié de clubs joue la présence dans les différentes compétitions européennes et l’autre moitié joue pour ne pas subir la relégation. Il y a bien entendu des exceptions, celle de Brest était cette année l’une des plus brillantes et il faut apprécier cet exploit à sa juste valeur. J’ai un grand respect pour des Présidents comme Denis Le Saint, Laurent Nicollin, Jean-Pierre Caillot, Bernard Serin et d’autres qui maintiennent leurs clubs en L1, en se battant dans des conditions difficiles pour conserver une présence au plus haut niveau, tout en gardant leur identité régionale. Mais c’est de plus en plus compliqué et la décision de la LFP de concentrer les droits internationaux sur les clubs du haut du tableau va rendre le challenge encore plus dur, comme cela a déjà été le cas avec le passage à 18 clubs. Aujourd’hui, le haut de la Ligue 1, ce sont des clubs contrôlés par des forces économiques très puissantes, de natures diverses.

Quel peut-être alors l’objectif d’un deuxième club parisien, s’il parvient au niveau supérieur, et quelles sont les conditions pour l’atteindre ?

Sans brûler les étapes, parce que la première n’est déjà pas simple, c’est de préciser ce qu’il attend de cette montée. J’ai suffisamment galéré, avec ceux qui m’entourent, pour installer ce club en haut de la L2, dans le trio de tête de la D1, avec deux centres de formation professionnelle déjà performants, pour avoir dans les prochaines années la volonté de l’installer dans la première partie du championnat de L1, en lui donnant la possibilité de jouer régulièrement une coupe européenne.

C’est ce qui me guide dans la préparation de la transition au terme de laquelle je passerai le témoin.

Vous avez annoncé effectivement que vous prépariez cette transition, quelle forme va-telle prendre ?

Le temps s’écoule… J’arrive à un moment de ma vie professionnelle (j’ai toujours considéré que contrôler et gérer un club de football était un projet professionnel comme un autre, disons presque comme un autre) où, comme dans mon activité d’audit et de conseil, le Groupe Alpha, la question du passage de témoin se pose. Avec mes deux fils, nous avons l’été dernier arrêté le principe d’une sortie complète du capital du Paris FC au terme de la saison 2026/2027 ; je quitterai la présidence du club à cette date-là. J’en ai informé le Conseil d’Administration et les actionnaires, en indiquant mon souhait de trouver un investisseur qui s’inscrive dans ce schéma et assure le développement et la pérennité du club.

J’ai, il y a plusieurs mois, commencé à explorer plusieurs possibilités pour préparer cette transition et trouver les investisseurs répondant aux critères que j’ai définis. Je souhaitais déjà le faire l’été dernier, mais les conditions n’étaient pas réunies et ma famille avait souscrit, avec les autres actionnaires du Paris FC, à l’augmentation du capital de juin 2023. Nous avons sélectionné depuis quelques semaines trois pistes sérieuses, dont une qui m’a été apportée par une banque de la place. Et nous sommes à présent dans la dernière ligne droite.

Avec un PSG, propriété d’un pays riche et disposant de moyens puissants, et le Red Star qui remonte en Ligue 2, contrôlé par un fonds américain, quel va être le futur tour de table du Paris FC ?

Je ne suis pas sûr, à ce jour, de pouvoir répondre précisément à cette question. Je souhaite d’abord que le futur actionnaire principal préserve ce qui fait l’essentiel de l’identité du club ; un club aux racines populaires, qui mise beaucoup sur la formation, dans un bassin francilien qui dispose chez les jeunes d’un potentiel extraordinaire, qui continue à développer la mixité, avec un effort conséquent sur le football féminin, représentant une part essentielle du budget global du club.

Pour le reste, je souhaite depuis longtemps que les forces économiques nationales s’investissent davantage dans le football, comme en Allemagne où les grands patrimoines, mais aussi les groupes industriels et financiers sont très présents, en tant que sponsors ou actionnaires, et parfois les deux.

Chez nous, c’est plus timoré, à de trop rares exceptions. Question d’image du foot, de culture ? Le résultat est que plus de la moitié des clubs de L1 sont aujourd’hui passés sous contrôle étranger. J’ai d’ailleurs moi-même ouvert le capital à des actionnaires étrangers, qui m’accompagnent depuis quelques années. Certes, le football, ce n’est pas le nucléaire, l’intelligence artificielle, l’aéronautique ou l’automobile. La question de la souveraineté nationale ne se pose pas dans les mêmes termes. Mais quand même, dans un pays disposant d’un potentiel incroyable, d’une qualité de formation reconnue, deux fois Champion du Monde dans le dernier quart de siècle, il est regrettable que nous ne mobilisions pas davantage les forces économiques les plus puissantes, au niveau territorial comme au niveau national.

Et pour avoir creusé sérieusement cette piste, je peux vous dire qu’elle n’est pas aisée. Si on continue comme cela, dans quelques années, 90 % des clubs français seront sous contrôle d’actionnaires étrangers.

On connaît vos réserves sur les fonds d’investissement, très présents dans le football, qui font l’objet d’une enquête sénatoriale, et sur la multipropriété ; les deux ont-ils le vent en poupe ?

Ne mettons pas tout le monde dans la même case. Il y a des démarches respectables de certains fonds sérieux et des gestions de la multipropriété qui n’établissent pas des hiérarchies entre les différents clubs, qui peuvent également mutualiser des moyens de façon raisonnable, respecter les identités des clubs et leur donner des moyens supplémentaires au travers d’échanges fructueux.

Mais on voit bien aussi qu’il y a des dérives et que le système n’est pas totalement maîtrisé au niveau de l’UEFA et de la FIFA. Je ne suis pas sûr que l’on puisse revenir en arrière, mais on peut réguler la multipropriété, en autorisant, par exemple, le contrôle de clubs professionnels dans d’autres continents ou le contrôle d’un club amateur dans un même pays, ce qui peut aider un territoire à sauvegarder ou à développer un club. On peut également autoriser des participations minoritaires dans d’autres clubs professionnels.  On peut enfin mieux contrôler les flux financiers et éviter les cas de concurrence déloyale qui ont commencé à toucher nos championnats. Mais si vous avez un club qui domine tous les autres dans une galaxie, vous n’éviterez pas les réactions des supporters et de l’environnement du club, qui manifesteront leur colère, même si les investissements financiers sont importants.

Quant aux fonds présents dans le football, leur démarche est la plupart du temps court-termiste, avec une faible prise en compte de l’identité des clubs, même si elle peut être utile parfois pour passer une phase difficile, avant de stabiliser l’actionnariat.

Pour le Paris FC, j’ai en tout cas fait le choix que le témoin soit passé à un investisseur qui se consacre en totalité à notre club et qui ne soit pas un fonds. Je crois vraiment qu’il ne faut pas sous-estimer la difficulté d’installer dans l’élite de notre football, et durablement, un club à Paris ; ne pas se disperser est sans doute une des clés du succès et la bonne façon d’établir une identité forte de ce club, confronté à une concurrence d’envergure mondiale, avec le PSG.

Est-ce que le choix que va faire le Paris FC dans les prochaines semaines aura un impact sur la saison prochaine ?

Je l’espère bien pour pouvoir disposer d’atouts supplémentaires dans la poursuite de la construction d’un effectif performant autour de Stéphane Gilli, qui a fait un très bon travail pour sa première année à la tête de l’équipe première. Pour permettre également à Sandrine Soubeyrand de continuer à faire progresser son équipe dans l’élite du football féminin.

Mais qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, le prochain actionnaire, s’il met beaucoup de moyens dans le club et beaucoup plus que je ne peux en mobiliser moi-même, ne jettera pas l’argent par les fenêtres et prendra le temps de renforcer les fondations du club.

Le football souffre de cette image où il faut dépenser sans compter pour parvenir à ses fins, un puits sans fond, un tonneau des danaïdes. Avec, parfois, des objectifs à court terme surréalistes. Je suis le premier à dire qu’il y a une responsabilité sociale à investir dans le foot, le sport le plus populaire, reflet grossissant de la société, avec ses belles choses et ses moins belles.

Mais, même s’il faut parfois lourdement investir avant d’atteindre l’équilibre, la performance économique doit être au bout du chemin. C’est aussi dans ces conditions qu’on attirera des investisseurs plus classiques dans le football.

J’attends surtout du futur actionnaire majoritaire qu’il s’installe dans la durée et qu’il prenne le temps, comme j’ai pu le faire tout au long de ces années, d’éliminer les obstacles qui sont nombreux sur ce territoire et qui expliquent aussi que le deuxième club parisien dans l’élite se fasse attendre, depuis quelques décennies.

Vous voulez parler notamment de la question du Stade Charléty ?

Oui, bien sûr. La saison a été difficile, même si nous avons trouvé finalement les moyens de la terminer correctement avec les services de la Ville. J’espère que nos demandes pour la saison prochaine seront prises en considération à l’intersaison, pour que nous soyons plus tranquilles et que nous puissions nous consacrer aux enjeux sportifs.

Nous avons par ailleurs souhaité basculer en 2025-2026 dans le stade Jean Bouin et cohabiter avec le Stade Français. La Mairie de Paris, comme le Stade Français, a plutôt réagi positivement à cette demande, même s’il y a bien entendu quelques problèmes à résoudre pour parvenir à cette solution.

Que ce soit clair, notre souhait n’est pas de quitter définitivement Charléty, mais plutôt de faire dans l’autre sens ce qui a été fait il y a quelques années, avec l’appui de la Ville ; le Stade Français s’était installé à Charléty pendant la transformation de Jean Bouin. Nos bases sont au stade Déjerine, dans le 20e arrondissement, et au Stade Charléty, dans le 13e arrondissement.

Je suis moi-même, comme de nombreux supporters, attaché à cette enceinte, malgré ses grosses imperfections. Mais la progression du club passe aussi par sa présence dans un stade dont les normes sont en rapport avec ses ambitions et le travail déjà réalisé.

Si nous allons à Jean Bouin, je souhaite ardemment que les conditions soient créées pour revenir à Charléty. Cela prendra un peu de temps.

Vous n’envisagez donc pas d’évolution plus rapide du Stade Charléty ?

Non, je pense que les conditions ne sont pas aujourd’hui réunies, compte tenu de la multiplicité des acteurs, pour opérer une transformation en phase avec les exigences d’un club de L2 ou de D1, j’espère de L1 plus tard, que ce soit sur le terrain de la sécurité, de la qualité d’accueil des supporters, des partenaires et des acteurs du jeu.

La majorité actuelle, comme son opposition, aura sans doute à se prononcer pendant la campagne électorale de 2026 sur ce qu’il est possible de faire au cours de la mandature suivante.

En renforçant les moyens économiques du club pour préparer la montée en L1, je donnerai, pour crédibiliser cet objectif, des garanties supplémentaires, même si les budgets ne font pas tout.

Charléty cette année, au-delà des problèmes de pelouse et de délocalisation, c’est aussi l’opération gratuité. Quel bilan en faites-vous ?

Largement positif, même si la saison a été tronquée et si nous n’avons lancé l’opération qu’au mois d’octobre. Nous avons trouvé un public différent, plus nombreux bien sûr, de l’ordre de 40 % en plus, plus jeune et plus populaire également.

Une belle image également, même au-delà des frontières. Nous avons fait progresser l’idée que le football était devenu cher, trop cher dans les stades comme sur les écrans. Et qu’il fallait agir. Certains le font sans aller jusqu’à la gratuité, nous avons franchi le pas, même si les obstacles comme le « no show » ne nous facilitent pas la tâche.

Il faut maintenant convaincre les partenaires de nous suivre, à la fois dans le développement des prestations d’hospitalité ou en sponsoring pour accompagner le mouvement et assurer la compensation économique.

Cette opération serait-elle reconductible en L1 ?

J’aimerais bénéficier d’une saison pleine en L2 et mieux évaluer la réaction des partenaires, avant de répondre à cette question. Les enjeux de billetterie, d’hospitalités et de sponsoring sont d’une tout autre nature dans la division supérieure. Les qualités d’accueil à Jean Bouin sont aussi d’un autre niveau que celles de Charléty.

Comment ont réagi les supporters traditionnels du club ?

Un peu intrigués au départ, même réservés pour certains. Et puis, la démarche a été appréciée. Les résultats aidant, l’aventure européenne de l’équipe féminine, le redressement de la situation en L2 ont contribué à la dynamique. Les deux groupes de supporters, les Ultra Lutétia et les Old Clan, ont bénéficié de l’afflux de supporters et de l’arrivée de nouveaux jeunes.

Les 10 ans des UL, lors du match contre Guingamp, ont donné lieu à un superbe spectacle. Bon, le nombre de fumigènes qui ont marqué la soirée nous a valu une sanction et j’espère qu’ils seront plus attentifs au respect des règlements. Mais les joueuses et les joueurs ont conscience que nous avons gagné cette saison un public et qu’il faut tout faire pour le conserver.

Remis de la déception des barrages et confiant pour la saison qui s’annonce ?

Je vais finir par croire que les play-offs ne sont pas faits pour nous, même si l’équipe de D1 a préservé sa position, acquise dans le classement de la saison, en remportant le match pour la troisième place.

Mais, oui, confiant pour les deux équipes premières. Les deux effectifs sont déjà solides ; on va les améliorer. Les staffs sont de qualité autour de Sandrine Soubeyrand et de Stéphane Gilli. Chez les hommes, on fait ce qu’il faut pour éviter la cascade de blessures qui nous a minés cette année.

Et l’arrivée de nouveaux actionnaires ne se traduira pas seulement par des apports financiers.

Je suis persuadé que la saison 2024-2025 sera belle.